La bibliothérapie : quand les livres prennent soin de nous
- Florence Martinho
- 17 oct.
- 3 min de lecture

J’ai souvent remarqué combien certains livres pouvaient nous accompagner, presque silencieusement, dans des périodes où tout vacille. Ils ne donnent pas de réponses toutes faites, mais ils apaisent, éclairent, réconfortent. Lire peut devenir un acte d’attention à soi, une manière de reprendre souffle, d’élargir son regard sur ce qu’on vit. C’est tout le sens de la bibliothérapie : se laisser aider par les mots.
Le mot vient du grec biblio (livre) et therapeia (soin). Ici, il ne s’agit pas de médecine, mais d’un soin symbolique, d’une présence discrète, d’un cheminement personnel. On ne guérit pas avec un livre, on se laisse transformer, parfois, par ce qu’il réveille ou apaise en nous.
Une pratique ancienne
L’idée d’utiliser la lecture comme appui n’est pas nouvelle. Au début du XXᵉ siècle, une bibliothécaire américaine, Sadie Peterson Delaney, travaillait dans un hôpital militaire. Elle constatait que les soldats blessés trouvaient dans les livres une forme de réconfort, un moyen de reprendre contact avec eux-mêmes. Son travail a ouvert la voie à ce qu’on appelle aujourd’hui la bibliothérapie.
Le terme apparaît officiellement dans les années 1960, défini comme l’usage de lectures choisies à des fins thérapeutiques. Dans certains pays, cette approche est intégrée à la pratique médicale. En Grande-Bretagne, par exemple, les médecins peuvent prescrire des livres depuis 2013, grâce à un programme national porté par la Reading Agency.
En France, le sujet reste encore peu connu, mais il éveille un intérêt croissant. Une thèse publiée en 2009 par le Dr Pierre-André Bonnet montrait déjà que beaucoup de médecins recommandaient spontanément des lectures à leurs patients, sans forcément savoir qu’ils pratiquaient une forme de bibliothérapie. Comme si chacun, intuitivement, pressentait le pouvoir des mots.
Lire pour se retrouver
Lire, c’est s’accorder un moment de pause. Le livre crée une distance avec le monde, mais aussi une proximité avec soi-même. Il ne juge pas, ne répond pas, ne force rien. Il nous accueille tels que nous sommes. Parfois, il nous aide à comprendre ce que nous ressentons. Parfois, il nous ouvre une porte que nous n’aurions pas osé franchir seuls.
Des recherches confirment d’ailleurs ce que beaucoup expérimentent intuitivement : la lecture réduit le stress, améliore la concentration et agit sur l’humeur. Une étude menée en 2009 par le neuropsychologue David Lewis a montré qu’à peine six minutes de lecture silencieuse suffisaient à faire baisser le niveau de stress de plus de la moitié.
Mais pour que la lecture devienne vraiment un soutien, il faut l’aborder autrement, non comme une fuite, mais comme un moment de présence. Lire avec attention, c’est accueillir ce que le texte fait naître en nous.
Le choix, l’écoute, la rencontre
Un même livre n’aura jamais le même effet sur deux personnes. Chacun lit avec son histoire, ses manques, ses désirs. C’est pour cela que la bibliothérapie ne se résume pas à des listes de recommandations. Elle s’appuie sur la rencontre, entre un lecteur, un texte et parfois un accompagnant.
Lorsqu’elle se pratique en individuel, la bibliothérapie commence souvent par un échange. On explore les besoins du moment, les émotions présentes, puis on choisit ensemble une lecture qui puisse soutenir, nourrir, apaiser. Dans d’autres contextes, des groupes se réunissent autour d’un texte commun. On partage ce que la lecture a éveillé, ce qu’elle a permis d’exprimer.
Certaines personnes prolongent l’expérience par l’écriture, en notant leurs impressions, leurs émotions, les images qui restent. Ce prolongement n’est pas obligatoire.
Une pratique ouverte à tous
La bibliothérapie ne s’adresse pas seulement à ceux qui traversent une difficulté. Elle peut être vécue comme un espace de croissance, de curiosité ou simplement de ressourcement. Lire, c’est déjà prendre soin de soi.
Mais pour ceux qui vivent une épreuve, un deuil, une séparation, une période d’incertitude, la lecture peut devenir une présence précieuse. Un livre ne remplace pas un thérapeute, mais il peut accompagner le chemin, adoucir la solitude, redonner un peu de clarté.
Lire, au fond, c’est renouer avec le vivant. C’est sentir, comprendre, se reconnaître à travers les mots d’un autre. C’est une façon simple, presque ancienne, de se tenir debout avec douceur.




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