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Freud et le primat de la sexualité : un concept souvent mal compris

Parmi les multiples idées reçues qui entourent la psychanalyse, l’une des plus persistantes est celle selon laquelle Freud "explique tout par le sexe". Cette accusation, répandue dès ses débuts, repose pourtant sur un contresens majeur : chez Freud, la sexualité ne se réduit jamais à la génitalité. Elle désigne un ensemble beaucoup plus large de forces vitales, de mouvements psychiques et d’expériences affectives qui façonnent l’existence humaine.


Une sexualité élargie : bien au-delà du biologique

Freud observe très tôt que ce qu’il nomme pulsions sexuelles ou libido ne fonctionnent pas chez l’être humain comme de simples programmes biologiques orientés vers la reproduction. Contrairement aux autres pulsions (comme la faim, qui vise un besoin vital concret), les pulsions sexuelles ont une vie psychique propre, complexe, plurielle, marquée par les fantasmes, l’attente, l’imaginaire, le rapport à l’autre.

L’amour n’est pas la faim. Le désir n’est pas le besoin.

Ce constat, qui peut sembler évident aujourd’hui, constitue à l’époque une rupture radicale : Freud reconnaît que l’humain vit sa sexualité comme un espace d’intensité psychique, d’ambivalence, de conflits, de créativité et parfois de souffrance.


La libido, pierre angulaire du psychisme humain

Dans ce cadre élargi, la libido devient pour Freud un concept central parce qu’elle révèle :

  • les causes des névroses, souvent liées à des conflits pulsionnels,

  • le moteur du développement psychique, de l’enfance à l’âge adulte,

  • et la limite du travail analystique, car la sexualité dit quelque chose de notre condition humaine fondamentale. Pour Freud, la libido n’est pas seulement le moteur du psychisme : elle en constitue aussi la limite. Les pulsions sexuelles humaines sont par nature contradictoires et jamais entièrement satisfaites, comme il le montre dans Le Malaise dans la culture. L’analyse peut aider à comprendre ces tensions et à en réduire les effets, mais, souligne Freud dans Analyse terminable et interminable, elle ne peut pas transformer la structure même des pulsions. L’analyste accompagne donc le patient dans une meilleure relation à son désir, sans prétendre abolir cette conflictualité constitutive de la condition humaine.

Freud n’abandonnera jamais ce concept. Non par rigidité théorique, mais parce que la libido s’avère être l’une des notions les plus souples et les plus opérantes pour comprendre le fonctionnement de l’inconscient, les mouvements affectifs et les symptômes de l'époque.


Une ambition modeste : réconcilier l’homme avec sa condition

Ce qui soutient la position freudienne, c’est sa conception profondément réaliste de la psychanalyse. Pour Freud, l’analyste n’est pas un prophète, un sage, un mystique ou un guide spirituel. Il ne doit pas promettre une élévation, une révélation ou une transformation "supérieure". Freud se méfie des idéaux trop lumineux comme des discours mystiques ou religieux qui prétendent changer la nature humaine.

La psychanalyse vise autre chose :aider l’homme à faire la paix avec ce qu’il est, avec son histoire, ses désirs, ses conflits.

Il ne s’agit ni de purifier l’âme, ni d’atteindre une sagesse absolue, mais de lever les entraves inconscientes pour permettre à chacun de choisir plus librement sa vie.


Le métier de psychanalyste : humilité et précision

Freud rappelle à plusieurs reprises que le psychanalyste doit rester à sa place : dans son fauteuil, attentif, lucide, ancré dans le réel. Pas question de s’embarquer vers les étoiles, les utopies sociales ou les mythes fondateurs. L’ambition est plus modeste, mais essentielle :

Permettre au patient de comprendre ce qui le détermine, pour qu’il retrouve la liberté de décider ce qui l’oriente.

Cette modestie, loin de réduire la portée de la psychanalyse, garantit son cadre : elle accompagne l’humain dans ses zones les plus intimes, en respectant sa réalité, son histoire et ses limites.


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